Quest’anno scolastico per la prima volta una classe del corso ESABAC, la 4C linguistico, si è cimentata nel concorso di scrittura creativa di argomento storico in lingua francese. Il genere ha una lunga tradizione nei licei francesi: si tratta di immedesimarsi, immaginare e scrivere un racconto verosimile, che rispetti cronologia e contestualizzazione di eventi e personaggi storici. La proposta dell’Institut Français d’Italie dell’edizione di quest’anno era “Mai 1968“: a tal proposito ai candidati è stato fornito un dossier di documenti (pensieri di personaggi famosi, foto, citazioni, testi musicali, articoli, etc.) per costruire la propria narrazione. Alla selezione d’Istituto è risultata “vincitrice” Khady Diomande che qui vediamo in foto di gruppo con compagni e insegnanti di corso.
LA LIBERTÉ DANS LES YEUX
Je suis seul à la maison, ma femme est allée faire des courses et mes petits-enfants sont sur le point d’arriver. Je rentre dans mon bureau, je n’ai pas l’habitude d’y rentrer souvent, ça me ramène à des souvenirs que j’aimerais peut-être oublier…
Je fouille dans ma bibliothèque et je retrouve par hasard un livre que je croyais ne plus avoir : « Nous l’avons tant aimée la Révolution », Daniel Cohn-Bendit, 1986.
J’avais à peine 36 ans, je travaillais comme journaliste depuis une dizaine d’années et ce livre a su me former, il a su toucher mon cœur et me faire revenir à l’esprit ma jeunesse.
Ah, cette jeunesse ! Tant d’espoir et tant d’enthousiasme.
Cohn-Bendit disait : « Je crois que nous avions la volonté de modifier le cours de notre vie, de participer à l’histoire en train de s’écrire, et c’est cette ambition qui a scellé notre destin en nous jetant dans un activisme politique à la fois riche d’expériences très intenses et lourd de dangers et de risques difficiles à évaluer. Le goût de la vie, le sens de l’histoire, voilà la clé de notre défi. »
J’avais souligné cette phrase, assis sur une chaise d’un café parisien mon journal à côté de moi. Elle me rappelait mes 18 ans, Les Rolling Stones, les Beatles, l’envie d’avoir plus, l’envie de liberté. J’avais 36 ans et cette idée de Révolution était passée, je l’avais déjà vécu sur ma peau, j’avais déjà ressenti la hardiesse de pouvoir changer mon histoire et celle des jeunes comme moi.
Charles De Gaulle disait « Sois jeune et Tais-toi ! » mais nous, nous les jeunes de 1968 nous n’avons jamais voulu nous taire, nous voulions être écoutés. Nous voulions avoir nos droits, notre vie en main.
Aujourd’hui j’ai 68 ans et je ne regrette rien de tout cela.
Perdu dans mes pensées, j’entends mes petits-enfants entrer, je sors donc en fermant la porte derrière moi, le livre en main.
Ce sont les enfants de ma fille que j’ai eue à 37 ans, juste après le mariage avec ma femme. Thomas a 15 ans, Julie en a 14. Ils me sont très attachés, très souvent je leur ai raconté mon enfance et ma jeunesse, ils aiment m’écouter et à chaque fois avec toujours autant de curiosité.
– « Bonjour papi! » -, disent-ils ensemble. Ils m’appellent comme ça, je n’en ai jamais compris la raison.
– « Bonjour à vous mes jeunes petits révolutionnaires. » -, je réponds.
Ils sont passionnés d’histoire, peut-être parce que je leur ai transmis cet amour à travers les histoires que je leur ai racontées.
– « C’est quoi là que t’as dans les mains, papi? » – me demande Julie, toujours attentive aux petits détails.
– « C’est un livre du bon vieux temps ma chérie. » –
Inévitablement, elle me demande de quoi il parle.
Thomas écoute et attend, les yeux concentrés. Il est calme lui, il observe beaucoup, il a hâte de connaître sans jamais trop s’exposer, un jeune posé tout à fait comme sa mère. J’aime son caractère, j’aurais peut-être dû être comme lui quand j’avais son âge, cela aurait pu m’épargner plein de choses.
J’avais 18 ans, je fréquentais l’université de Nanterre. Les institutions étaient bien différentes de ce qu’elles sont aujourd’hui : nous n’avions pas le droit de nous rassembler pour organiser des assemblées, ni le droit de refuser une note qu’on ne croyait pas être juste ou suffisante. Bien souvent nos professeurs avaient obtenu leur poste grâce à leur position politique et pas en fonction d’une véritable vocation ou d’un don. Nous voulions un changement, des réformes définitives.
Le 20 février 1968, un après-midi, je rencontrai au Quartier Latin Jules, un ami à moi qui ne travaillait pas loin de là dans une usine qui fabriquait des objets en plastique comme le téléphone, lequel jusqu’à ce moment-là avait été produit en bakélite.
Au cours de ces années-là, il commençait à être fabriqué en plastique de plusieurs couleurs.
Jules n’avait pas pu poursuivre ses études à cause des difficultés financières de sa famille, il avait donc dû chercher un travail pour pouvoir subvenir aux besoins de tous.
On se rencontrait souvent pour parler de la société, de ce qui ne nous plaisait pas et que l’on voulait changer. Je lui apportais des livres, on les lisait ensemble. Pendant ses pauses, qui étaient rares et peu nombreuses, on en profitait pour écouter des chansons avec mon mange-disques portable que je gardais jalousement toujours avec moi.
Jim Morrison résonnait dans nos oreilles: « We want the world. And we want it now », et l’envie de prendre la relève sur le pouvoir et de revendiquer les droits que l’on méritait, devenait de plus en plus fort. On pensait à des réformes, à diminuer le nombre d’heures de boulot des ouvriers en leur donnant de meilleures conditions de travail et un meilleur salaire.
On voulait notre futur, on voulait que notre voix soit écoutée, on voulait pouvoir voter, pouvoir parler quand on voulait et quand on sentait le besoin de le faire et comme le chantait les Rolling Stones : « (I can’t get no) Satisfaction ». Et, malheureusement, c’est comme ça que nous nous sentions au plus profond de nous.
En mai 1968, le ressenti de cette insatisfaction se reversait dans les rues, des émeutes se propageaient à partir du Quartier Latin, où mes amis et moi manifestions pour ce que l’on avait toujours cru mériter. Les slogans et les inscriptions sur le mur étaient nos moyens de communication. « Il est interdit d’Interdire » criait-on en marchant, et en quelques jours le chaos commença à s’établir. Les policiers avaient commencé à nous combattre violemment malgré nos intentions pacifiques; on a donc commencé à construire des barricades pour se protéger, on a commencé à réagir.
On nous accusait d’être des inconscients, des irréalistes, on était ceux qui en demandaient trop, ceux qui ne devaient pas s’opposer ainsi ; mais la hardiesse, la jeunesse, l’utopie de pouvoir tout faire, de pouvoir changer notre avenir et celui des familles que l’on allait construire brûlait en nous. Nos cœurs réclamaient la liberté, et c’est en réclamant tous ces droits qu’un jour je restai bloqué sous un tas de ciment qui servait de barrière et que je perdis l’une de mes jambes.
Aujourd’hui, grâce aux innovations médicales, j’ai une prothèse et j’arrive à marcher assez normalement, en ce temps-là ma situation était plus dure et critique mais, malgré cela, je n’ai jamais regretté d’avoir participé à l’Histoire qui était en train de s’écrire et d’avoir recherché le “goût de ma vie ”, comme le dit Daniel Cohn-Bendit dans cette œuvre que je tiens dans les mains.
– « Il parle d’un souhait de Révolution, de la volonté de changer le cours de notre vie, du pouvoir que nous avons pour le faire et duquel bien souvent nous ne profitons pas. De mon temps mes compagnons et moi, nous avons essayé de le réaliser, malgré les contestations, les accusations et les conséquences encourues. On voulait des choses et nous avons essayé de les prendre. Nous nous sommes tous réunis, les étudiants, les ouvriers ; même les journalistes ont trouvé le courage de lutter contre la censure, moi qui étais l’un d’entre eux je peux donc affirmer que c’est aussi grâce à eux qu’aujourd’hui il y a beaucoup moins de censure par rapport à cette époque-là. Et c’est aussi grâce au mouvement de mai 1968 que vous avez le droit de vous réunir à l’école.
Cohn-Bendit parle de tout cela et… peut-être qu’il faudrait une autre Révolution de ce genre un jour, car comme le dit Herbert Marcuse dans « L’homme à une dimension », l’homme se croit libre, mais il est juste bloqué dans ses habitudes et dans la vie qu’il mène, dans le matériel. Et ça ressemble bien à la société de nos jours. » –
– « Tu crois donc qu’il y aura une autre Révolution comme celle que tu as vécu, papi? » – me demande Thomas qui parle pour la première fois.
– « Je crois, mon fils, qu’une Révolution peut toujours être nécessaire pour combattre ce qu’on dit ne pas aimer. Il ne suffit pas le dire, il faut le crier, l’écrire sur les murs, remplir les villes de fleurs, transformer les armes en fleurs parfumées, en lilas, en géranium et jasmin. Et peut-être que cela peut vous sembler fou, mais la folie peut vous apporter de bonnes choses, plus que vous ne le croyez.
Cohn-Bendit disait encore « Nous fûmes la première génération à vivre, à travers un flot d’images et de sons, la présence physique et quotidienne de la totalité du monde. »
Cette citation représente tout, soyez la fleur au milieu des pavés et trouvez la force de transformer ce qui vous entoure en un champ fleuri. » –
Khady Diomande 4C linguistico